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21 mai 2017 7 21 /05 /mai /2017 07:07

brel

Madeleine c'est mon espoir

C'est mon Amérique à moi

Tant pis si elle est trop bien pour moi

Comme dit son cousin Gaspard

Demain j'attendrai Madeleine

On ira au cinéma

Je lui dirai des "je t'aime"

Madeleine elle aimera ça                               

 

Il a fini là-dessus. C’était la dernière fois. Le dernier concert de la dernière tournée. On espérait un rappel, mais même après une demi-heure d’applaudissements il n’a pas changé la formule. Il n’est pas revenu. C’était fini. Passer à autre chose.

Tu étais là, ce soir-là, au Casino de Roubaix. Un peu par chance : tu étais dans la région pour d’autres raisons. Tu as saisi l’occasion. Ce gars-là, on peut dire qu’il t’avait aidé. Il t’avait lavé de la noirceur qui menaçait de t’ensevelir, il t’avait rincé de larmes, essoré le désespoir comme une serpillière. Il ne t’avait pas rendu meilleur, mais il t’avait gardé du pire.

Le pire était encore à venir, il était peut-être dans cette bâtisse années 30 d’un faubourg de cette petite ville minière où tu as posé tes valises depuis une quinzaine. L’autre, pas le chanteur, tu l’avais longtemps cherché en vain. Les généraux, à côté, ç’avait été un jeu d’enfant. Ces messieurs avaient comme pignon sur rue, une surface sociale, un extérieur reluisant, du marbre dans l’entrée. Mais lui, l’autre, il ne s’était pas élevé aussi haut, il avait gardé un pied dans la fange. Ce n’était qu’un simple capitaine. Quand les choses ont mal tourné, il a renoué avec ses bases, il s’est refondu dans la masse.

Mais le passage dans la boue, ça laisse toujours des traces, et tu as fini par les retrouver, et c’est pourquoi tu es là, en faction devant cette putain de baraque sans beauté, aussi triste qu’un canal du Nord.

D’ailleurs c’est peut-être là qu’il achèvera de pourrir, Marcabru, lorsque tu lui auras troué la panse. Brémont a fini dans le Rhône, lui finira - l’idée te plaît bien - dans un de ces segments d’eau morte qui balafrent le plat pays.

Tu es bien renseigné, tu sais qu’il se rend chaque fin d’après-midi, dimanche compris, au café Louvet pour sa belote coinchée. Et il ne devrait plus tarder à sortir de chez lui, où il vit en célibataire depuis qu’il est arrivé ici. Il pleuvine, mais ça ne devrait pas le gêner, le gaillard a connu les averses tropicales, une petite saucée ne va pas l’inquiéter.

Celui qui s’inquiète, c’est toi, car l’heure avance et il ne sort toujours pas. Tu commences à l’attendre comme le pauvre bougre attendait Madeleine avec ses lilas.

Sauf que toi c’est pas des lilas que tu lui destines.

Tes fleurs à toi ne fanent pas.

Pourquoi penses-tu tout à coup que la rue est trop calme ? Est-ce ce bruit sourd de moteur qui en accuse le silence par contraste ? Un son de bagnole qui monte de l’arrière, un feulement en filigrane du martèlement léger des gouttes de pluie sur ton pare-brise.

La vitre qui s’étoile, la détonation qui rugit, suivie d’une autre qui siffle contre le métal de ta voiture.

Tu as baissé la tête, un dixième de seconde plus tard ta cervelle aurait giclé dans l’habitacle.

Des portières qui claquent, des pas qui sonnent sur le pavé, les gars ont vu qu’ils avaient raté leur coup.

Avec ton schlass, tu fais pâle figure. Si cette Simca ne démarre pas au quart de tour tu es foutu.

Elle démarre. Tu déboites. Un type hurle de douleur. Un autre coup part, qui fend l’acier de la portière et te rentre dans la cuisse. Accélération. Un autre type brandit son calibre juste devant le capot, mais il préfère se jeter sur le côté avant la percussion fatale. T’emmanches la troisième, tu files vers nulle part, tu fuis le piège que tu croyais avoir tendu et qui a bien failli se refermer sur toi.

Ces gens-là voulaient te faire la peau. Tu étais bien renseigné mais eux aussi.

Tu pisses le sang, il va falloir trouver un docteur. Et vite.

Le traqueur est devenu le traqué.

C’est peut-être pour toi aussi l’ultime concert, de l’ultime tournée.

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14 mai 2017 7 14 /05 /mai /2017 07:07

anar

 

Lagneau avait ses indics, et en particulier sur Ménilmuche. De vrais indics et des braves bougres qu’il connaissait depuis lurette, copains de son père, alcoolos en fin de parcours, anars brindezingues et voyous à la petite semelle. Le Groupe Libertaire de Ménilmontant, il aurait pu en écrire les compte-rendus de réunions si tout cela ne l’avait profondément ennuyé. La dissolution de la fédé anarchiste, Bougrin en fera tout un foin quand lui n’y verra qu’un énième soubresaut de cette galaxie du drapeau noir, nébuleuse remuante mais profondément inoffensive.

 

Au café Galure, où il se rendit ce dimanche-là, ce n’était pas un anar qu’il venait voir, mais plutôt un gazier de l’autre bord, ancien d’Indo et d’Algérie, tout juste relâché après quelques années de placard pour avoir pas mal fricoté avec l’OAS. L’ancien adjudant Bagnoli tournait depuis au Pernod, et à la Boyard sans filtre, occupant son temps entre courses de chevaux et réunions prétendues secrètes avec des anciens de Dien Bien Phu et de l’Oranais. C’était Lagneau qui l’avait pincé à l’issue d’un casse foireux, mais il n’avait pas trop chargé la barque et Bagnoli lui en avait été reconnaissant. Lagneau n’avait jamais fait appel à  lui jusque-là, mais le moment était venu : l’armée ne voulait rien lâcher, il allait se servir des seconds couteaux.

 

Dans l’arrière-salle du Galure, Lagneau a aboulé les coupures de presse : Nouvelle République, le général à la retraite Chavagnoux-Dusserq égorgé à son domicile boulevard Heurteloup, La Tribune de Genève, noyade suspecte du général Brémont en promenade dans la ville. Les deux-là, tu les connais ? a demandé Lagneau, mais c’était à peine une question, plutôt une affirmation, un constat, et l’autre a hésité un court moment, comprenant vite que ce n’était pas la peine de feinter, il fallait gagner du temps.

 

Lagneau devait savoir que ces deux-là avaient aussi combattu pour l’Algérie française, pas assez pour y laisser comme lui des plumes, mais bien assez déjà pour être sur les tablettes de la flicaille.

 

Sûr que je les connais, ces deux enfoirés. Ils étaient déjà ensemble en Indochine, colonels à l’époque. mais j’ai rien à voir avec eux.

 

Calme-toi Bagnoli, je sais bien que tu n’es pour rien dans leur cassage de pipe. Dis-moi plutôt, est-ce que tu connais quelqu’un susceptible de leur en vouloir ?

 

Bagnoli estimait en son for intérieur avoir déjà suffisamment collaboré. A la limite si le poulet remettait sa tournée, il lâcherait peut-être encore une petite info sans importance, mais dans le cas contraire, il fermerait sa gueule. Il sourit tout seul après avoir décidé ça. Il avait deux chicots manquants à la mâchoire supérieure.

 

Et ce lascar-là, tu le remets ? Lagneau avait sorti la photo du réveillon.

 

Bagnoli ajusta les lunettes noires qu’il portait en permanence, mais qui ne correspondaient plus à sa vue, qui avait bien baissé depuis ses années de gnouf.

 

Non, connais pas. Qui c’est ?

 

C’est ce que j’aimerais savoir, figure-toi, pour te parler franchement. Mais regarde mieux, tu vois le tatouage sur l’avant-bras ? Tiens, prends mes lorgnons, tu verras mieux qu’avec les tiennes.

 

Bagnoli accusa le coup. Pas jouace d’avoir été percé à jour. Non, je connais pas, je te dis. Des gars avec des tatouages, ça court le monde.

 

Oui, mais regarde mieux, je te dis, en-dessous du serpent, tu vois les lettres…

 

C’est du chinetoque, pour sûr.

 

Pour sûr, du laotien pour être précis, Sing Sua, autrement dit Zamenis mucosus, un serpent ratier du coin, tu vois je me suis renseigné. Autrement dit…

 

… C’est un ancien du Tonkin, et alors ?

 

Une belle gueule comme ça, à la Delon, ça ne te rappelle rien ?

 

Je pète la soif, moi, pas toi, poulet ?

 

Lagneau, pas poulet. Un autre Pernod ?

 

Pour la route. Mais je sais rien, je te dis. Je le connais pas, ce type.

 

Je te crois, mais si ça te dérange pas, je vais reprendre mes lunettes. Si la mémoire te revient, fais-moi signe.

Juste en face du Galure, il y avait une maison avec une cave dans laquelle le Groupe de Ménilmontant tenait ses rencontres. Les extrêmes se touchent, pensa Lagneau. En tout cas, il avait hameçonné, restait plus qu’à attendre avant de ferrer. Peut-être.

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7 mai 2017 7 07 /05 /mai /2017 07:07

pif

Non, mais je rêve…

 

Loulou Dandrel en avait sursauté sur son canapé pourri. Malgré ses talons hauts, il n’avait pas entendu rentrer Isabelle.

 

Tu lis Pif ! Pif le chien ! Toi, le grand révolutionnaire…

 

Il avait jeté le magazine par terre, mais la bougresse, dans une robe jaune bouton d’or affriolante, avait l’oeil vif. Il n’avait pas acheté le Pif bien sûr, mais il l’avait piqué dans la salle d’attente de son dentiste. Il avait toujours adoré Pif.

 

Pif, c’est Vaillant d’abord, et Vaillant c’est des cocos.

 

Depuis quand tu chéris les staliniens, toi ?

 

Oh, ça va ! Et puis tu pourrais frapper avant d’entrer !

 

Et toi, tu pourrais nettoyer avant d’inviter, et aérer au moins, ça pue le fennec ici !

 

Et elle ouvre en grand la croisée qui donne sur la cour intérieure de l’immeuble, pas de chance, un lourd remugle de chou sans doute venu d’un étage inférieur en profite pour se glisser dans l’étroit appartement. Prise entre deux feux, la jeune femme a un instant de désespoir. Elle choisit le fennec, referme la fenêtre.

 

Tu comprends maintenant pourquoi j’aère pas… Bon, tu veux une bière ? Et les photos, tu les as apportées ? J’ai que de la Valstar, je te préviens…

 

Laisse tomber ta mélasse. Oui, j’ai les photos, mais je suis pas sûr d’avoir eu une bonne idée de te parler de ça.

 

Elle est encore buvable, crois-moi. Moi, je me sers en tout cas. Faut que je me mette en condition pour revoir des photos de ce foutu réveillon. Mais tu m’avais pas dit que tu les avais confiées à Lagneau ?

 

Je les avais fait tirer en double, je me doutais bien qu’il voudrait les garder.

 

La Valstar est éventée, mais il se la colle quand même dans le gosier.

 

Allez, te fais pas désirer, montre-moi ces clichés de la mort !

 

Presque à contrecoeur elle sort une enveloppe jaune, étale les photos sur la table basse après avoir vidé les cendriers pleins à déborder qui l’encombraient. Loulou se plonge avidement dans une contemplation fascinée, comme si l’énigme de son amnésie devait trouver là sa solution.

 

Bon sang, c’est lui, le bellâtre, l’enfoiré, Dubreuil… Dis donc, c’est un peu flou ton affaire, tu devais pas être au top toi aussi… Excuse-moi… Non, c’est vraiment bien, et puis tiens, celle-là elle est super nette, on le voit bien le rascal ! Dis, t’as vu le tatouage ? Le serpent ?

 

Bien sûr que j’ai vu le tatouage.

 

Y’a un truc en dessous, on dirait des signes, des lettres. Bon dieu, je crois bien que j’ai une loupe dans le tiroir du bureau.

 

En fait, elle était dans le tiroir de la minuscule kitchenette, va savoir pourquoi, il l’a retrouvée en même temps qu’un fond de Clapion, qu’Isabelle a décliné mais qu’il n’a pas voulu laisser perdre.

 

Hum, ça me fait penser à de l’alphabet oriental…

lao

Dis donc laisse-moi la photo, je vais la montrer à deux ou trois potes asiatiques. Ton Lagneau t’a parlé de ce truc quand tu lui as montré les photos ? Non ? ça m’étonne pas, il est fin comme du gros sel, ton flic. Des semaines pour être sûr de mon innocence, c’est fortiche…

 

Ce n’est parce qu’il n’en a pas parlé qu’il n’a rien remarqué. Et peut-être que ça n’a aucune importance.

 

C’est ça, cause toujours. Mais où tu vas, belle Isabelle ? J’ai du thé aussi, en sachet, mais du bon...

 

La mitraillette de ses pas dans l’escalier. Elle foutait le camp. Un de ses talons hauts avait crevé la couverture du Pif.

 

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30 avril 2017 7 30 /04 /avril /2017 07:07

toutou

 

En ce temps-là, pas de chaîne pour la jeunesse, pas encore de Récré A2 et de Disney Channel. La télévision est encore une affaire de grandes personnes, et la publicité est encore limitée à quelques écrans de réclame sur quelques émissions (mais tout va bientôt changer : dès octobre 1968, la publicité de marque est autorisée sur la première chaîne). On cherche tellement peu à capter le public enfantin que l’un des rares programmes qui lui soit consacré n’a d’autre ambition que de le détourner de l’écran : oui, avec Bonne nuit les petits, Nounours et le marchand de sable qui se barrent sur leur joli nuage, on ne cherche qu’à expédier les mouflets au plumard. Faites de beaux rêves. A sept heures du soir - il me semble que c’est l’heure où passait l’affaire - il fallait s’apprêter pour une interminable nuit. Heureusement, j’avais appris à lire et j’avais vite compris que je détenais là l’arme ultime contre le sommeil obligatoire. Seul inconvénient : le frangin, moins porté sur l’imprimé, et qui se rebellait souvent pour que j’éteigne la lumière (nous partagions la même litière).

 

Nicolas et Pimprenelle n’étaient pas les seuls héros du crépuscule : en mars 1967, nous découvrîmes aux mêmes heures La maison de Toutou. Elle au moins ne cherchait pas à nous catapulter dans le royaume des songes. Il faut dire que la chose n’avait rien d’onirique, rien à voir avec la semence lumineuse du marchand de sable. Un pavillon avec grand jardin c’était ça la maison de Toutou, et Toutou n’était pas un fol épagneul coureur de landes et de broussailles, un Rin Tin Tin aventureux, un Pif malicieux ou un Gai-Luron flegmatique. Non, Toutou était un acariâtre propriétaire de pavillon, toujours requis par quelque bricolage ou jardinage. Un amoureux de l’ordre. Evidemment, il fallait bien des ferments de désordre pour animer l’aventure (un mot peut-être trop fort pour qualifier les minuscules événements qui secouaient cette agréable société). Toutou vivait donc (fort chastement) avec une chatte nommée Zouzou, légèrement taquine, tandis que de l’autre côté du mur, vivait Kiki la grenouille, qui, avec son échelle, lorgnait souvent sur les impeccables plates-bandes de son voisin canin. Ces trois-là étaient des marionnettes à gaine, avec les bras à l’horizontale, et une unique expression sur le visage.

 

On ne se marrait pas comme des baleines en regardant ça, et j’ai bien failli périr d’ennui en visionnant sur Dailymotion un épisode cinquante ans après, mais la disette télévisuelle était si grande en cette époque que nous allions au bout des cinq minutes que durait le programme. Et puis à chaque fin Toutou concluait invariablement par la phrase : Je suis un bon gros Toutou musicien/courageux/intrigué/trouillard, non pas trouillard, on parlait décemment alors et une telle familiarité de langage eût été scandaleuse. Nous attendions la phrase fatidique, en se demandant quel allait être l’adjectif du jour (on a les suspenses qu’on peut).

 

Plus tard, nous eûmes Aglaé et Sidonie, Pépin la Bulle, Chapi Chapo, Kiri le clown. Non, je me trompe, tout se mêle dans ma tête. Kiri apparut en 1966, mais nous n’avions pas la télé encore. Kiri c’était l’anti-Toutou, le saltimbanque. La musique du générique est inoubliable et les paroles transpirent encore l’optimisme de ces années-là.

 

Kiri :

Trotte, trotte ma jument

Vole, tu as des ailes

Cours bien vite dans le vent

Ohé la vie est belle

Voix féminine :

Nous irons de ville en ville

Porter la joie de vivre

Nous les petits et les grands

Courons, il faut le suivre

 

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23 avril 2017 7 23 /04 /avril /2017 07:07

svetlana

Quand Elisa Longhorn est arrivée, la télé était à tue-tête, les deux petites vautrés dans le canapé défoncé avec des Cheerios plein les mugs et la deuxième bouteille de Coca largement entamée. Lina devait aller chercher Everett à Worcester où il s’était fait pincer encore une fois bourré comme un âne au volant de sa vieille Dodge. Elle l’avait suppliée de venir garder les filles car elle ne savait pas quand elle rentrerait, et Elisa avait fini par accepter, elle qui n’avait pas remis les pieds chez sa soeur depuis que son connard de beau-frère avait laissé entendre que si Jim était au trou, c’était bien fait pour sa gueule. Quand on est Sioux Oglala, et petit gabarit comme lui, on la ramène pas.

 

Depuis ce temps-là, Jim avait été libéré, et Elisa n’en avait que plus peur pour lui. Elle avait reçu une lettre, pas longue, ce n’était pas le point fort de Jim l’écriture, mais il avait cherché manifestement à la rassurer. Il allait bien, il mangeait bien, il dormait bien, et le pays lui plaisait, il ne souffrait pas de la chaleur contrairement à beaucoup d’autres. Que du positif en fait. Trop beau pour être vrai, elle s’en doutait bien.

 

Les petites étaient heureuses de la retrouver, mais pas du tout d’accord pour arrêter la télé. En tout cas, on va changer de chaîne, a dit Elisa, ces dessins animés stupides, ce n’est pas possible. Et elle est tombée sur une chaîne d’infos : un nom retint une seconde son attention et elle vit une femme qui descendait d’un avion, qui  venait d’URSS via Rome et la Suisse, et ce nom qui l’avait atteint comme une brûlure de cigarette était le nom de celui qui avait été le plus cher ennemi de l’Amérique, un nom qui claquait comme un coup de fouet. Staline. Et celle qui souriait aux photographes avait aussi un prénom qui cinglait : Svetlana. Svetlana Allilouïeva, “le petit moineau” de Staline, sa fille unique, son adorée, qui après la mort de son dernier amant, l’Indien Brajesh Singh, avait réclamé l’asile politique à l’ambassade américaine de New Delhi, abandonnant ses deux enfants, Joseph et Iekaterina.

 

Elisa était sourde aux protestations des deux fillettes qui réclamaient le retour des comics.

 

Quelque chose lui échappait. Cette femme qui avait été la créature la plus choyée de ce monde communiste, la plus choyée par celui qui, dans le même temps, envoyait à la déportation et à la mort des millions d’hommes, cette femme débarquait sur cette terre que son fils à elle avait quittée pour aller justement combattre d’autres communistes à l’autre bout du monde.

 

Elle éteignit le poste, flanqua le contenu des mugs à la poubelle, et ordonna aux petites de s’habiller. On irait jusqu’à la rivière, jusqu’au grand tremble près du carrefour des Mormons. Quand il était petit, Jim avait l’habitude de l’escalader jusqu’à la cime, et il restait souvent là-haut des heures, rêvassant sans fin, ou taillant des flèches.

 

On aura le droit de grimper aussi, nous ? hasarda l’une des deux.

 

Bien sûr, répondit Elisa. Vous irez aussi haut que possible. Ce que vous verrez de là-haut, ce n’est pas comme votre télé, nul autre ne le verra.

 

Ce sera un peu comme un secret, alors ? demanda la seconde. Et sans attendre de réponse, elle se mit à courir sur le chemin.

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16 avril 2017 7 16 /04 /avril /2017 07:07

olympia

Vous vouliez ma peau, c’est ça ? Ou me rendre sourdingue avant l’heure ?

 

Isabelle Deville avait eu des billets gratuits pour la dernière de Johnny Hallyday à l’Olympia. Elle en avait adressé un à Lagneau, en ajoutant qu’elle avait des choses importantes à lui communiquer. Il avait hésité, il avait bien sûr entendu parler du phénomène Hallyday qui déchaînait la passion des jeunes, mais il était peu curieux de s’y frotter. Néanmoins il avait accepté, par sympathie pour la jeune femme. C’était étrange ce lien entre eux, qui s’était établi presque immédiatement. Une sorte de connivence instinctive, une franchise dans le regard, un accord tacite. Lagneau ne goûtait guère la psychologie et ne cherchait pas à en savoir plus long, parler d’amitié naissante eût été trop fort pour lui. Il se contentait de goûter l’instant.

 

Vous auriez dû rester jusqu’au bout. Je suis seulNoir c’est noir… c’est vraiment bon.

 

Non, à la moitié il avait déserté. Trop de hurlements, de cris, de trépignements. Il était allé boire un demi chez le bougnat le plus proche et avait tranquillement attendu la fin du concert.

 

Bon, qu’est-ce que vous vouliez me montrer ?

 

Ah oui, j’allais oublier… Où est-ce que je les ai mises ? (Elle fouilla dans son cabas immense à l’effigie des Beatles qu’elle avait ramené de Londres). Vous vous moquiez de mon Zenit mais là, vous allez voir qu’il a été bien utile (elle finit par extirper du foutoir une enveloppe orange). Tenez, regardez.

 

Dans l’enveloppe une douzaine de photos. Il ne lui fallut qu’une seconde pour réaliser : c’était des photos de la soirée du réveillon à Tours.

 

Bon sang, pourquoi vous ne m’avez pas montré ça avant ?

 

J’avais complètement oublié de donner la pellicule à développer. Tout de suite après j’étais allée en Angleterre, et je dois dire que je n’étais même plus très sûre  d’avoir pris ces photos cette nuit-là, tellement j’étais pompette.

 

Si je peux me permettre, ça se connaît sur la pellicule.  Pas mal de flou. Et je ne parle pas des cadrages… Oh  excusez-moi… C’est bougrement intéressant.

 

C’est ça. N’essayez pas de vous rattraper. C’est vrai qu’elles sont pas terribles mes photos. Mais regardez celle-ci. C’est Jacques Dubreuil, enfin celui qui se faisait appeler Jacques…

 

Lui ? Un faux air de Delon. C’est bien ça.

 

Et sur celle-ci aussi, en train de danser.

 

Lagneau prit la photo et l’examina attentivement. Dubreuil levait les bras en l’air, et sur l’avant-bras gauche on discernait un tatouage. Un serpent apparemment.

 

Vous en avez d’autres ?

 

Ben non, ce sont les deux seules photos où il apparaît. Je les avais pris en douce, sans prévenir personne. Vous êtes déçu ?

 

Mais non, ma petite, je ne suis pas déçu. Je sais maintenant la gueule qu’il a, ce Dubreuil. Vous me laissez la photo bien sûr ?

 

Je peux même vous la dédicacer (sourire craquant).

L’espace de cette seconde Lagneau tomba amoureux puis refoula très loin cette pensée incongrue. Il se traita de vieux schnoque et prit congé rapidement. Les chats à nourrir, prétexta-t-il. Lui qui détestait les chats.

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9 avril 2017 7 09 /04 /avril /2017 07:07

boeing

The prototype Boeing 737-130, PA-099, N73700, first flight 9 April 1967. (Boeing)

 

Dites donc, Lagneau, persifla Bougrin, il s’en passe de belles dans votre quartier. Les RG pour une fois ont bien bossé : réunion de gauchistes au sommet ce dimanche, le Groupe anarchiste de Rennes, l’Internationale Situationniste et le Groupe Libertaire de Ménilmontant. Excusez du peu… Bien sûr, vous n’êtes au courant de rien. Tout ça va mal finir, croyez-moi, ces salauds-là vont nous poser des bombes un de ces jours, moi je vous le dis.

 

Tout en déambulant dans le marché aux Puces de Saint-Ouen, les propos de Bougrin lui étaient remontés en mémoire comme une mauvaise bile. Il était parfaitement au courant de la réunion mais n’avait pas cru bon de désavouer Bougrin. De toute façon ce crétin n’écoutait jamais et pensait toujours avoir une longueur d’avance sur tout le monde. Pour Lagneau, il était inutile de s’affoler, toutes ces réunions d’anars c’était de la littérature, des songeries creuses comme celles de ce petit con de Loulou Dandrel.

 

A propos, Lagneau, elle n’avance pas fort votre affaire de Tours. Vous avez fait relâcher le suspect et depuis, bernique. Un général se fait égorger dans sa propre maison et la police reste impuissante, j’aime mieux vous dire que ça commence à rouspéter au ministère et dans certains milieux.

 

En apparence il n’avait pas tort. L’enquête semblait au point mort. Ce Jacques Dubreuil, meurtrier présumé, restait introuvable. Toutes les pistes s’évanouissaient dans la nature, aucune trace dans les annales policières, aucune accointance vérifiable avec le milieu. D’ailleurs aucun vol n’avait été constaté alors que la maison regorgeait d’objets de valeur. Lagneau avait l’impression d’une vengeance, d’une exécution en pure et due forme.

 

Mais depuis peu il avait un espoir. On venait de retrouver le cadavre d’un autre ancien d’Indochine. Dans le Rhône, à quelques kilomètres en aval de Genève, poignardé au coeur et balancé dans le jus. Le général Brémont n’était jamais revenu de sa promenade quotidienne. Il n’en avait pas parlé à Bougrin, il n’y aurait vu qu’une coïncidence, mais depuis il fouillait dans le passé des deux gradés. S’étaient-ils connus ? Avaient-ils exercé sur le même théâtre d’opérations ? L’armée était réticente à lâcher de l’information, invoquait le secret défense, et puis l’Indochine rappelait de mauvais souvenirs, on n’aimait pas remuer le couteau dans la plaie, surtout quand celle-ci était encore purulente.

 

Il acheta à un vieux bouquiniste de sa connaissance un volume des Oeuvres complètes de Rabelais, paru en 1960, au Club français du livre, édition de Jean Plattard. Il l’ouvrit au hasard, comme Pantagruel en usa dans Virgile pour Panurge qui voulait savoir s’il ne serait point cocu s’il prenait femme. A la troisième tentative, il tomba sur ce passage du Tiers Livre :

 

Aultres avons ouy, sus l’instant que Atropos leurs couppoit le fillet de vie, soy griefvement complaignans et lamentans de ce que Pantagruel les tenoit à la guorge.

 

Et soudain il réalisa que ce Pantagruel qu’il traquait n’en avait peut-être pas fini dans sa mission, et que d’autres fillets de vie étaient menacés de coupure. Il avait le pressentiment que le noeud du problème était quelque part là-bas au Viet-nam, où les Américains avaient pris le relais, certains de faire mieux que nous, mais là-dessus, sans se l’avouer, il avait les mêmes idées que les libertaires de Ménilmontant.

 

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2 avril 2017 7 02 /04 /avril /2017 07:07

torrey

She goes down the stairs to the kitchen

Clutching her handkerchief

Quietly turning the backdoor key

Stepping outside, she is free

 

She,... (we gave her most of our lives)

Is leaving (sacrified most of our lives)

Home (we gave her everything money could buy)

 

She’s leaving home, The Beatles, in Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band , 1967

 

Louis Dandrel, tu m’emmerdes.

 

Isabelle Deville commençait à regretter fort d’avoir invité le jeune homme, tout juste sorti de taule, à l’accompagner à Londres pour son nouveau reportage. Bonne copine encore, trop bonne, lui changer les idées, le sortir du marasme, de ses airs de chien battu. Et puis résultat : depuis trois jours qu’ils arpentaient Londres, il n’avait guère dessaoulé. Et là, dans le pub qui faisait face au studio d’Abbey Road, il attaquait sa quatrième pinte d’Old Lager.

 

Louis Dandrel, tu m’emmerdes, tu ne penses qu’à te bourrer la gueule. Je pense que Lagneau a raison : tu n’es qu’un petit gaucho inoffensif, un petit con.

Il l’a regardé d’un oeil mauvais, un peu d’écume sur la lèvre supérieure.

Il a dit ça, Lagneau ?

Non, il a pas dit ça comme ça, mais c’est bien ce qu’il pensait. Très clairement.

Deux heures qu’on poireaute dans ce pub. Je m’ennuie, alors je bois.

Je croyais que tu voulais attaquer Le Capital de Marx ?

Pas d’humeur. Je suis encore…

… Traumatisé, c’est ça… pauvre chou…

T’es pas sym…

Elle lui colle la main sur la bouche, soudain tendue vers la fenêtre. Elle a cru voir les Beatles sortir du studio. Elle sait par des contacts dans le milieu qu’ils mettent la dernière touche à leur dernier album, et ne désespère pas d’arracher une interview, là, sur le trottoir. Mais non, juste des roadies qui sortent écluser une Guinness.

 

Il cherche à redorer son blason.

T’as vu, ils ont bombardé l’épave du Torrey Canyon, puis jeté du gasoil pour enflammer le pétrole qui restait. Et même du napalm.

Non, pas du napalm, du gel d’essence liquéfié. La Navy prétend n’avoir pas de napalm dans son arsenal.

Mon cul, oui, pas de napalm.

On est bien d’accord.

 

Ils se sont un peu réconciliés sur le dos de la Royal Navy.

Si ça se trouve, dit-elle, il en a fait balancer du napalm, le père de Lili.

Comment ça ?

Le père de Lili, il était général en Indochine, on se gênait pas là-bas pour en bombarder les populations. On n’a pas attendu les Américains.

Qui t’a dit qu’il était général ?

Lagneau. Il m’a demandé si je savais. Pas toi ?

Ben non.

 

Silence. Une sorte de brouillard commence à estomper les contours du pub, il se dit qu’il ne tient plus la bouteille après son sevrage forcé en prison. Il essaie de lutter quand même contre la torpeur qui l’envahit.

Et ça aurait un rapport avec le meurtre ?

Tu crois vraiment que Lagneau m’aurait mis dans la confidence ? Non, je n’en sais rien.

 

Ils attendront encore deux bonnes heures. Sans succès. Les Beatles sont sortis discrètement par une porte donnant sur une autre rue. Et puis Loulou a vomi dans les chiottes du pub. Et quand il est revenu dans la salle, Isa avait mis les bouts. Sur le trottoir mouillé, il l’a traitée de pute, et puis la honte lui est montée à la tête comme une rafale de lance-flamme, et il a pensé qu’il était plus que temps de se ressaisir.

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26 mars 2017 7 26 /03 /mars /2017 07:07

amphibian

 

Jim Longhorn ne se faisait pas d'illusion. Si après plusieurs semaines de taule, on l’avait soudain libéré, ce n’est pas parce qu’on avait passé l’éponge sur la mort du caporal  Moran dans des “circonstances mal élucidées”. Non, on lui avait simplement laissé entendre qu’un surcroît d’indulgence lui serait accordé s’il acceptait sans poser de question de rejoindre une autre unité que celle qui avait été la sienne. Laquelle ? avait-il hasardé. Vous occupez pas, lui avait-on sèchement répondu. Faites ce qu’on vous dit, et tout se passera au mieux.

 

Le lendemain matin, on l’avait sorti de cellule, et une jeep l’avait conduit jusqu’à un camion empli ras la gueule de gars du 2nd Battalion, 5th Marines, et une longue remontée vers le nord commença. Impossible de savoir la destination exacte, mais ça il avait l’habitude. Les gars se connaissaient bien, rigolaient, jouaient aux cartes, indifférents à sa présence. Ça aussi il avait l’habitude, le petit Jim, l’Indien taciturne, qui n’avait jamais bien su y faire avec les mots, malgré tous les efforts de sa mère qui savait que ça passait par là aussi, une vie meilleure. Il écoutait, ça oui, et le grand-père aussi il l’écoutait, Nuage Rose, qui avait fait la guerre aussi, mais c’était en Europe, enfoncé dans la terre de Flandre, dans la boue de l’Argonne. Il écoutait, mais il ne disait presque rien, muet comme les étoiles dont il retenait les histoires fabuleuses, muet comme les plantes qui nourrissent et guérissent dont il connaissait les noms par coeur, muet comme les pierres qui roulent au flanc des sentiers sous les sabots des bêtes pourchassées.

 

Les rats de tunnel, on en a toujours besoin, c’est pour ça qu’on t’a sorti du trou. Le sergent Graham, du Wisconsin, disait vrai, il le savait. Il lui a filé une clope, c’était pas un mauvais bougre, même s’il avait tendance au pessimisme. Espérance de vie : quinze jours, et encore. Tu peux encore t’en tirer, tu sautes du camion et tu te tires dans la jungle. Avec les Viets, tu seras vite fait aux pattes, mais il paraît qu’il y en a qui survivent dans leurs camps. Et le con, il ricane. Non, tu sautes pas ?

 

Opération New Castle, province de Quảng Nam près de la frontière avec le Laos. Ratissage de zone, quelques villages à brûler, des réseaux souterrains à annihiler, comme toujours. Quinze jours plus tard, il était encore vivant, Jim Longhorn, tandis que Graham était tombé dans une embuscade. On l’avait retrouvé avec ses gars, lardé de dizaines de coups de poignard, pas beau à voir. Et le bruit a commencé à courir que l’Indien était un vrai chat noir, et qu’il faisait pas bon l’avoir sous ses ordres. Mais sous terre, c’était une taupe de première, une vaste cache de munitions fut grâce à lui repérée et détruite. On lui foutait la paix tout en crachant derrière son dos. Si l’on avait su combien il avait l’ouïe fine, bien peu s’y seraient risqués.

 

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19 mars 2017 7 19 /03 /mars /2017 07:07

ours blanc

 

Le chaudron bouillait. Geoffroy Guichard voulait sa revanche après la défaite d’Annecy en coupe de France, et toi aussi bien sûr, même si tu n’as pas pu prendre place à côté des copains, parce que pour eux tu es mort, disparu, et que cela te va comme ça, d’être mort, et que d’une certaine façon, c’est vrai, tu es mort, bel et bien mort. Alors tu es juste à côté de la tribune des Lyonnais, cela pourrait t’énerver, mais ceux-là te sont malgré tout assez sympathiques, car ce sont les supporters de l’Ours Blanc, la petite brasserie derrière la gare de Perrache, cornaquée par la mamie Toutain, qui n’hésite pas à loger de jeunes joueurs dans ses chambres de l’arrière, une passionaria du ballon rond chez qui tu as aimé autrefois écluser quelques bières. Et aujourd’hui ces gars-là vont marquer l’histoire du club. Jean Snella, l’entraîneur des Verts, après l’élimination du 12 février, a balancé qu’à “trop jouer la carotte, Lyon n'ira pas très loin en coupe. Lyon est une équipe qui ne sait que défendre”. Alors les lascars de l’Ours Blanc ont acheté vingt-cinq kilos de carottes au marché de gros, et les ont jetés sur le terrain au début du match. Cinquante ans plus tard, on parlera toujours de ce derby comme le derby des carottes.

 

Georges Beretta, l’artilleur des Verts, ne s’est pas démonté pour autant. Il a tranquillement empoigné une de ces carottes répandues sur la pelouse et l’a croquée devant la tribune des Gones. Puis on a évacué les carottes et le match a vraiment commencé.

 

Et longtemps la marque resta vierge, le stade avait beau gronder, les filets ne tremblaient pas, et toi non plus d’ailleurs, la mauvaise fièvre d’Annecy n’était plus qu’un sale souvenir, même si tu savais bien que c’était un souvenir qui n’en finirait jamais de revenir, non, tu aurais même aimé courir avec les autres, dribbler, tacler, shooter, tu sentais ton sang avide d’inonder les muscles, et quand Revelli perça la défense lyonnaise à la 66ème minute, inscrivant un but magnifique, tu t’es levé en criant et en levant les bras en l’air, oubliant que tu étais dans le camp de l’ennemi, t’attirant les regards soupçonneux et hostiles de tes voisins, qui exultèrent à leur tour quand Di Nallo, sur un contre fulgurant, égalisa pour son équipe à la 75ème. Joie de courte durée car Mekloufi, le petit gars de Sétif, qui avait joué dans l’équipe du FLN avant de revenir en France, Mekloufi, oui, le petit gars qui n’a jamais reçu un carton dans toute sa carrière, catapulte la balle en pleine lucarne à la 80ème minute. Lyon ne reviendra pas.

 

Et Saint-Etienne chante, tandis que l’Ours Blanc fait banquise, replie ses banderoles, fier quand même du coup des carottes, qui fera parler pendant des années, mais toi, ce chant qui s’élève des gradins d’en face, tu ignores pourquoi, en fait surgir un autre, déployant sa mélopée obstinée dans le secret de ton cerveau, chant des soldats laotiens qui veillaient avec toi à Chan-Muong ou Ngoc-Thap, dans ce fortin qu’il fallait à tout prix tenir, c’était les ordres, alors que les hordes Viet-minh, dix fois plus nombreuses, s’apprêtaient à déferler. Tu ne comprenais rien aux paroles, bien sûr, mais tu en étais sûr, c’était un chant d’adieu.

 

Allez, c’est pas grave. La prochaine fois, on les aura.

Il releva la tête. C’était un jeune de l’Ours Blanc qui essayait de le consoler.

Il prit seulement conscience à ce moment-là qu’il avait le visage plein de larmes.

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