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20 février 2015 5 20 /02 /février /2015 21:07

"Je me méfie toujours de ceux qui affirment avoir "une haute idée de...". J'aime mieux les idées basses et les mains au charbon. Mon côté soutier."

Antoine Emaz, Cambouis, Seuil 2009, p. 141.

Maison-atelier d'Ernest Nivet

Maison-atelier d'Ernest Nivet

Soutier : "(Vieilli) (Marine) Matelot qui travaille dans les soutes d’un navire, principalement dans le magasin au charbon." Le livre de notes prises au fil des jours du poète Antoine Emaz m'accompagne plus qu'aucun autre. Son titre, Cambouis, est dans la droite ligne de la citation d'aujourd'hui.

Over Blog  souhaite un très bon anniversaire au blog des Tasons : 10 ans aujourd'hui. Surprise. Dix ans déjà. J'ai vraiment du mal à estimer la longueur du temps. Situant un événement dans le passé, il n'est pas rare que je me trompe de cinq à dix ans, voire plus. La fête des 30 ans, il me semble encore que c'était hier, la remontée du ruisseau du Grand-Moulin à travers les prés mouillés, avant-hier. Par pitié, ne soufflons donc pas de bougies. On va continuer comme avant, ni plus ni moins, les mains dans le charbon, la tête dans les nuages.

La photo est d'hier, en fin d'après-midi où la lumière soudain irradiait la rue de la fontaine Saint-Germain, et singulièrement le toit de la maison d'Ernest Nivet, mon sculpteur berrichon préféré, dont le berger allongé est la plus belle représentation de tason que je connaisse (avec la photo du président sur la page d'accueil du site). C'est bien de fêter les dix ans avec lui, et merci à tous ceux qui tasonnent un peu, de temps à autre, ou régulièrement, sur ce site.

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18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 23:13

"Plus physionomistes que nous en ce qui les concerne, nos inférieurs frères fourrés savent bien reconnaître à notre attitude, à notre langage, au mouvement de notre face, tous les sentiments que nous leur portons. S’ils connaissaient l’hypocrisie que nous leur prêtons, nous ne pourrions pas les tromper comme le font certaines brutes qui, pour capturer les bêtes,

s’affublent de gestes patelins et se gargarisent la bouche de paroles mielleuses. Jamais un chat ne vous fera le gros dos avant de vous mordre ou de vous égratigner. C’est une bête

loyale comme toutes les bêtes et nous lui devons, nous aussi, la franchise."

 

Vendredi 3 avril 1914.

Louis Pergaud, La vie des bêtes

 

Mad #61 : Loyale comme toutes les bêtes
Mad #61 : Loyale comme toutes les bêtes

Ma curiosité m'a une nouvelle fois conduit à explorer une armoire de l'Espe qui contient quelques trésors. A l'étage au-dessous des Oeuvres complètes du grand Victor, j'ai repéré à côté de La vie des Bêtes de Louis Pergaud, qu'il écrivait encore quelques mois avant sa mobilisation en août 14, un fort volume en cuir relié, intitulé Livre d'or de l'Ecole normale de Châteauroux, guerre 1914-1918. A l'intérieur, les portraits des normaliens tués ou disparus au combat, avec les photographies et des mentions impeccablement calligraphiées. Parmi bien d'autres, j'ai photographié les deux pages concernant Clément Default, natif de Pommiers, et mort à Verdun, "présumé enseveli", le 4 mai 1916.

A cette date, Pergaud était déjà mort, disparu lui aussi, le 6 avril 1915, à la suite d'une attaque contre les lignes allemandes, aux Eparges, près de Verdun. Lui aussi avait été normalien, reçu à seize ans, premier au Concours d'entrée.

Clément avait vingt-huit ans à sa mort, Louis, trente-trois. Tous les deux partis sergents, et ensuite nommés sous-lieutenants. Jeunes hommes qui avaient tant à donner encore, et dont la perte, cent ans plus tard, me consterne et me consternera toujours.

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16 février 2015 1 16 /02 /février /2015 20:19

"(...) Le cierge à la main, ils avançaient à pas lourds, précédant une botte noire portée en l'air sur quatre épaules. Venue de bien plus loin que moi, une étrange épouvante me saisit, comme le savoir obscur d'une horreur que je reconnaissais sans la connaître encore. L'attente d'une catastrophe inspire ce douloureux effroi. Pauline penché sur mon front me souffla quelques mots à l'oreille : "C'est un mort", me dit-elle. Un mort ? Ça ? Là-dedans ? Des hommes et des femmes suivaient cette boîte de grand violon, si lourde et si longue. Ils pleuraient, les uns dans le mouchoir, serrant leur chapeau contre leur ventre ; les autres dans leurs voiles."

André Suarès, Marsiho, Editions Jeanne Laffitte, p. 178.

L'écureuil sur le tilleul

L'écureuil sur le tilleul

L'écureuil de l'Espe. Il était dans l'arbre près de la fenêtre à l'heure du café. Le temps que j'aille chercher l'appareil, il avait déjà mis les bouts. Je l'ai pris au jugé, alors qu'il gravissait l'un des tilleuls de l'allée, il a ensuite sauté de l'un à l'autre, merveilleusement agile comme tout écureuil qui se respecte, puis il a descendu, a regardé de loin, un court instant, - et c'est comme s'il me narguait gentiment - avant de disparaître.

La grâce que nous accordent ces bêtes de participer à leur existence même de cette façon si brève. Instant d'éclair fauve dans la grisaille du jour.

Plus tard, un sms d'une amie, son chat est mort. Même pas tout à fait son chat. Et puis un chat appartient-il à quelqu'un ? Le chat qu'elle retrouvait en tout cas quand elle retournait dans sa petite maison au bord de l'océan. Je songe alors à la petite chatte perdue quand j'avais sept ou huit ans, je voulais alors à tout prix que le paradis existât, pour pouvoir à nouveau un jour la caresser.

S'il devait y avoir un paradis, je ne comprendrais pas qu'il soit dépourvu des bêtes qui nous firent la vie plus douce.

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12 février 2015 4 12 /02 /février /2015 22:06

                                         AUBUSSON

Petite parenthèse - c'est dimanche, tu es à Aubusson

dans la Creuse.

L'automne fait tapisserie feuilles de frênes hêtres châ-

taigniers couvrant toits

D'ardoise ayant couleur de la fumée qui monte des

cheminées au feu de bois

La Creuse tu y cours aussitôt, te précipites à sa clarté

d'eau - quelle trame,

Quelle trame cette rivière qui aura lavé tant de siècles

de laines siècles de lisses (...)

 

Jacques Darras, Vous n'avez pas le vertige ? L'arbalète/Gallimard, 2004, p. 312.

L'Indre (entre Saint-Maur et Belle-Isle), détail.

L'Indre (entre Saint-Maur et Belle-Isle), détail.

Hier, le grand beau temps m'avait convaincu de ressortir le vélo, lâchement abandonné depuis octobre. Pour le grand tour de Châteauroux, parcours que j'ai mis au point minutieusement, qui traverse la zone industrielle (les plus belles pistes cyclables de la ville), rallie Cap Sud par les Grands Champs (qui ne méritent guère leur nom) avant de boucler par la Vallée Verte. Et quand un brin de courage m'enflamme, je pousse jusqu'à Saint-Maur par la Centrale. Ce que je fis hier par pure inconscience.

En effet, le sentier sur les rives de l'Indre, entre Saint-Maur et Belle-Isle, gagné sur les prés, était un enfer de bouillasse. Rapidement, la gadoue s'amoncela sur les patins de freins, et je dus plusieurs fois m'arrêter pour dépatter les roues, tel Gargantua qui, traversant la Brenne bréneuse et y secouant ses gigantesques panards, en édifia les buttons bien connus. Encore que Gargantua ne connaissait pas le vélocipède, il avait bien de la chance.

Autant dire que j'étais cuit au sortir de la plaisanterie, et c'est avec joie que je retrouvai le goudron, que je bénissai le bitume, que je me promettai d'écrire un jour l'éloge de l'asphalte. Alors que d'habitude je finissais par l'écoparc des Chénevières, cette fois-ci je coupai au plus court, mon vieux genou à la rotule usée me rappelant par ailleurs les égards que je dois à ma carcasse.

Tout de même j'avais renoué avec le sport. Il ne me reste plus qu'à espérer que le prochain mercredi soit pluvieux.

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 23:24

" [...] c'est peut-être l'acte fondamental par lequel la chose apparaît en se détachant du sujet [...] ; il y a là spontanéité irréductible et première, création, sécrétion spirituelle, besoin de marquer, de signer, de s'approprier, en faisant sien. On ne possède que lorsque l'on crée. "

Germaine Tortel, Sur la poésie, in Jean-Charles Pettier, Paulette Clad, Pédagogie Germaine Tortel, Fabert 2012, p. 40-41.

Sensualité de la pierre : un beau "69" castelroussin.

Sensualité de la pierre : un beau "69" castelroussin.

Deux spectacles dans la même journée à la Maisonnette (de la Culture), la petite salle de la rue Raspail, petite filiale d'Equinoxe, Petit Z le matin, avec une classe de l'école Arago et les étudiants, Z comme Zigzag le soir, avec les adultes. Un spectacle donc à deux niveaux conçu à partir de l'Abécédaire de Gilles Deleuze et mis en scène par Bérengère Jannelle. Deux comédiens, Gilles et Gilles, nous invitent, dans un décor de tables d'école disposées selon un savant désordre, à réfléchir sur l'Animal, l'Art, la Musique, le Sport, la Gauche ou la Révolution (les deux dernières c'était le soir, je vous rassure).

C'était drôle, intelligent, fantasque, foutraque ; ça parlait de tique, du Douanier Rousseau, du Fosbury Flop, des concepts et de la bêtise, du devenir et des mondes ; il y avait des balles de ping-pong qui jaillissaient, une machine à café qui se transformait en instrument de percussion, des ritournelles qui surgissaient, des ombres chinoises et de la peinture sur les doigts et les visages. Il y avait surtout la jouissance de la pensée en liberté.

A vrai dire, j'ai préféré la version pour les enfants, que je trouve plus aboutie, mieux rythmée. Je trouve surtout que la position questionnante était mieux préservée. Car c'était bien là le défi, et le spectacle commençait d'ailleurs par l'interrogation sur la question même de la question philosophique, une sacrée cascade questionnante, qui vise à démarquer la pensée de l'opinion. Or, il m'a semblé que le spectacle pour les adultes était plus assertif, je veux dire par là qu'on y voyait moins la pensée à l'oeuvre que l'oeuvre de la pensée, figée dans la formule, aussi brillante soit-elle. Il m'a semblé aussi que la philosophie elle-même échappait à la mise en question. Que l'un des plus grands philosophes du XXème siècle, Heidegger pour ne pas le nommer, ait été - et cela est confirmé par la publication de ses Carnets noirs - un nazi plus que sympathisant, pose pour le moins problème.

On évoque beaucoup les mondes dans Z comme Zigzag, or c'est précisément sur cette question des mondes que la philosophie heideggerienne dévale dans l'antisémitisme. "Dans ces « Cahiers », précise Roger-Pol Droit, Heidegger affirme l’« absence de monde (Weltlosigkeit) du judaïsme ». Cette notion ne se réfère pas seulement au thème antisémite bien connu du cosmopolitisme apatride. Elle indique que le judaïsme, selon Heidegger, empêcherait d’avoir accès à l’être. Ce qui revient, en termes abscons et fumeux, à dire que les juifs ne sont pas des êtres humains. En effet, à la différence des humains, qui sont toujours des êtres-dans-le-monde, les animaux, pour Heidegger, sont « pauvres en monde » (weltarm). Si les juifs sont dépourvus de monde (weltlos), alors ils sont moins que des bêtes, hors de toute humanité."

Non, une fois encore, et c'est un constat terrible, mais il ne faut pas craindre de le redire, la haute culture, la très haute intelligence, ne préservent pas nécessairement de la barbarie. Denis Meuret rappelait récemment avec justesse que "beaucoup de ceux qui ont sauvé des juifs pendant l’occupation nazie avaient peu fréquenté l’école, tandis que la quasi-totalité des français qui se sont enrôlés dans la Waffen SS étaient des étudiants, ceci quand beaucoup des pilotes qui ont gagné la bataille d’Angleterre contre l’aviation allemande étaient frais émoulus des meilleures universités de ce pays."

Bon, j'ai été long ce soir, et je finis encore sur des choses bien déprimantes, alors que, je l'ai dit, c'était souvent cocasse ce spectacle en zigzag. Enfin, si vous n'avez pas tout compris, ne vous désolez pas, et écoutez cette histoire juive (ça c'est pour emmerder Heidegger) d'un certain Rabbi Nahoum de Tchernobyl (eh oui, Tchernobyl), qui disait souvent à ses compagnons au milieu de son enseignement :

"Ecoutez mes paroles même si vous ne les comprenez pas, mes frères. Un jour le Messie viendra et vous ne comprendrez pas non plus. Alors commencez à vous habituer !"

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8 février 2015 7 08 /02 /février /2015 23:16

"Car il faudra bien que les technologies nouvelles, qui visent un absolu et une infaillibilité de la mémoire, une perfection standardisée des écritures - et une efficacité pragmatique de l'orthographe, balayant les règles et la tradition, comme dans les "textos" -, c'est-à-dire une formalisation extrême des actions et des destins, acceptent et intègrent les probabilités, plus émouvantes et plus ouvertes sur l'infini, de ce qui n'est pas absolu, de ce qui reste superbement imparfait, informel, de ce qui se laisse souiller, tacher, effacer, de ce qui vieillit et finit par disparaître, comme les êtres eux-mêmes. Car ce n'est pas en direction d'une perfection logique et formelle du monde que les technologies d'aujourd'hui doivent chercher, mais dans ce caractère infiniment libre et rebelle, d'une logique et d'une forme émancipées du rationalisme et du formatage qui sont celles de la poésie."

Alain Fleischer, Le carnet d'adresses, Seuil 2008, p. 38-39.

Mad #57 : De ce qui se laisse souiller, tacher, effacer

Revenir à Tasonland en hiver, dans la froidure de février, c'est en quelque sorte remonter à la source. Plus que la Bouzanne qui commence là-bas son court périple à travers les prés obscurs, c'est l'enfance qui se donne encore à deviner jusque dans les crépis usés des maisons. Ces maisons si nombreuses aujourd'hui à porter le panonceau "A vendre", en vain pour la plupart.

Passé Cluis, on surprend les premières flaques de neige dans les replis des fossés, et l'on ne cessera plus de se réjouir de l'extension du domaine de la blancheur. A La Folie, les labours ont gardé trace des dernières averses. Le vent trop âpre a chassé les flocons de toute branche, mais au sol ils demeurent, s'incrustent, invoquent le temps perdu des manants où les loups perdaient leur queue sur les étangs gelés.

Mais c'est au dépassement de la Chapelle que l'hiver entre vraiment en gloire. La couche neigeuse est mince mais recouvre presque tous les trottoirs, presque tous les jardins. La ville austère fait sa gueule d'Auvergne, et c'est ainsi que je l'aime.

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5 février 2015 4 05 /02 /février /2015 22:11

"[...] on attribuera désormais à l'habitation et à la circulation des zones indépendantes. La maison, dès lors, ne sera plus soudée à la rue par son trottoir. L'habitation se dressera dans son milieu propre où elle jouira de soleil, d'air pur et de silence. La circulation se dédoublera par le moyen des voies de parcours lent à l'usage des piétons et de voies de parcours rapide à l'usage des voitures. Ces voies rempliront l'une et l'autre leur fonction tout en n'approchant l'habitation qu'occasionnellement."

Le Corbusier, La Charte d'Athènes, Editions de Minuit, 1957.

Rue de la Fontaine Saint-Germain

Rue de la Fontaine Saint-Germain

J'ai bien dû le photographier des centaines de fois, ce grand bâtiment jadis appartenant à EDF, aujourd'hui reconverti en immeuble d'habitation par Scalis. Je ne me lasse jamais des jeux d'ombre et de lumière sur ses murs, du ballet des nuages au-dessus de ses arêtes vives, des traces discrètes des activités des humains qui vivent là et que l'on voit si peu.

Si cet édifice s'impose si fortement, c'est aussi parce qu'il est magnifié par le vide autour de lui ; une sorte de parvis l'isole des autres immeubles plus récents et de hauteur moindre (dont l'ombre portée est d'ailleurs visible sur la photo). C'est une sorte de cathédrale avec déambulatoire intérieur (que l'on peut observer derrière les grandes fenêtres centrales).

De ce bureau où j'écris nuitamment, il me fait signe encore par la fenêtre que je n'obture jamais. Une lueur bleutée au coin de l'étage supérieur signale une présence télévisuelle. Qui vit là ? Que regarde(nt)-t-il(s) ? Quel obscur bedeau, quel silencieux sacristain, quel Quasimodo des divinités électriques veille ainsi sur le sommeil du quartier ? Il faudra bien un jour que je pénètre ce temple du siècle dernier.

 

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 22:36
23ème salon littéraire : les Tasons

Force est de constater que la littérature tasonne a du mal à trouver sa place sur les étals des libraires, à pavoiser dans les cocktails, à décrocher les prix littéraires. Certains diront que les délais de maturation de l’œuvre tasonne sont peu compatibles avec le rythme des rentrées littéraires et les soubresauts de l’actualité médiatique. Nous ne les contredirons pas.

Fi de tout cela, le tason a plus d’un tour dans son sac, le temps d’un salon littéraire 100% tason est maintenant venu. Il se tiendra le samedi 28 février 2015 à Tasonland.

Le Salon débutera chez J&J, haut lieu de la francophonie tasonne (pas trop de mots, pas trop vite, mais bien choisis). L’événement sera ponctué par quelques temps forts :

  • Fred donnera lecture de quelques fragments de son essai « Tous les champignons sont comestibles ! »,
  • tiré de son recueil « Les fabliaux de mon jardin bio », Fifi de Marmeron nous dira son émouvant poème « Ne pleure pas petite prune, tu vas diluer la goutte »,
  • Jean-Luc Lacotriboidebout nous présentera sa dernière œuvre, « Tintin », magnifique taureau limousin de 1100 kg. Très enthousiaste, l’auteur a déclaré « pour une fois que je peux aller au salon sans rater les tasons ! »
  • happening autour du sulfureux ouvrage collectif des suprêmes tasonnes « 50 nuances de Kir »,
  • dédicace par Gary Tupolev de son nouvel opus « Pon bourre les filles », chronique fantasmée des turgescentes aventures de son double imaginaire.

 

L’événement se poursuivra en soirée à la médiathèque de La Forêt du Temple sous le haut patronage du célébrissime PPESE (Professeur Patrigeon Et Son Equipe). Cette figure tutélaire de la littérature tasonne n’est plus à présenter, nous lui devons, entre autres ouvrages :

  • « Les petits soldats se cachent pour pourrir », roman, 1968,
  • « 50 kilomètres par jour », carnets de voyage, 1975,
  • « La géographie sacrée des comptoirs », essai, 1984,
  • « Tasonnances », poèmes, 1992,
  • d’innombrable pièces de théâtre, « Lupus roi », « Andromako », « Le punch d’une nuit d’été », « En attendant un godet », « La trilogie des ouatères (la nausée, huis clos, les mains sales) », etc…
  • d’inestimables ouvrages de vulgarisation scientifique dont « Anatomie comparée du Lupus et du faucon nain », « La procréation artificielle de l’extrême », « le chromosome T est notre ami ».

 

L’allocution du PPESE se fera désirer le temps de dévorer le best-seller de Dédette « J’ai rien à vous faire manger ! ». Viendra ensuite le moment de désigner démocratiquement le lauréat et la lauréate du suprême prix littéraire. Chacun pourra alors, ivre de littérature,  étancher sa soif de connaissance aux sources de la topette à Nini.

 

Venez !

 

Le président

23ème salon littéraire : les Tasons
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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 17:22

"Je pense que ce qu'on écoute en amont, au plus profond de soi-même, c'est un murmure presque silencieux semblable à celui d'une rivière, le bruit léger d'une source qui se met à couler. C'est donc une vibration du silence.."

Claude Vigée, Le fin murmure de la lumière, Parole et Silence, 2009, p. 37.

Mad #55 : Ce qu'on écoute en amont

Ce matin, fine couche de neige sur les voitures, les rues, les toits. Elle ne tardera pas à disparaître, mais elle nous aura donné cette petite commotion intime de beauté, qui vous aide à vous remettre en chemin.

La vision, hier soir, des deux documentaires de France 5 sur les méthodes d'endoctrinement des islamistes radicaux, en France et au Pakistan, m'a profondément remué. Il y a urgence à comprendre pourquoi des jeunes filles et des jeunes garçons succombent en quelques mois aux approches des djihadistes. Le débat sur la laïcité doit être adossé à cette question. Et s'il y a une chose qu'il faut bien tout d'abord constater, c'est que le consensus ne règne pas chez les défenseurs de la laïcité.

Suffit-il, comme certains ne cessent de le clamer, d'en appeler à la connaissance, que l'école aurait honteusement négligé en mettant l'élève au centre ? Comme j'aimerais que ce fût vrai... Mais nous sommes dans la pure illusion : les jeunes endocrinés ne sont pas plus ignorants que leurs congénères, et d'ailleurs, plus fondamentalement, la culture n'a jamais protégé de la barbarie. L'Allemagne, l'Ialie, le Japon étaient des pays de haute culture, et cela ne les a pas empêchés de basculer dans l'horreur génocidaire.

Et ce n'est certainement pas en développant une contre-propagande du style #stopdjihadisme que l'on va résoudre les problèmes. Il faut lire l'analyse pertinente de Bernard Huyghe pour mieux comprendre l'impasse dans laquelle on se rue : Il nous semble qu'il y a pour le moins un problème de compréhension des grilles culturelles inversées : le comble de l'horreur pour nous - montrer ce que l'on fait des victimes désarmées ou que nos combattants risquent de mourir - peut être pour l'autre une perspective exaltante. Nos images repoussantes sont leurs images pédagogiques. Et rajouter un simple jugement moral conforme à nos critères occidentaux (victimes, horreur, enfer, mort, terreur) ne désamorce pas la force d'humiliation et de défi des images qu'ils nous lancent à la face.

Imiter le style des vidéos de l'adversaire ne découragera en rien l'apprenti dijhadiste. Le fracas et la violence ne mèneront qu'à plus de fracas et de violence. Comment donc restaurer l'empathie détruite, retrouver la sensibilité qui se love dans le coeur de chaque être humain ?

Comment réapprendre à écouter cette voix que le poète discerne à l'intérieur de lui-même, ce fin murmure de la lumière dont parle Claude Vigée, cette intime vibration qui vous reconnecte aussi à l'ensemble du vivant, qui vous redonne le visage de l'autre et qui vous rend sensible à la beauté, parfois jusqu'à la douleur ? Car l'art vous blesse aussi, mais vous blessant, vous rend étranger à tout fanatisme.

C'est bien souvent à désespérément chercher un sens à leur vie que se perdent les jeunes radicalisés, parce que notre société a par malheur aussi, par son matérialisme, son absence d'horizons, désespéré l'idéal. Le mot de spiritualité sent un peu trop l'eau bénite pour beaucoup de partisans de la laïcité, même si certains ont commencé à brosser le portrait d'une possible spiritualité laïque, mais le noeud du problème, il me semble qu'il est là, dans l'aventure ou la désertion du Sens.

 

 

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29 janvier 2015 4 29 /01 /janvier /2015 23:36

"Il pleut. Depuis maintenant trois jours il pleut. La pluie c'est l'écriture quand l'écriture se fait comme elle devrait toujours se faire : à l'insu de son auteur, en dehors de toute volonté claire d'un livre. Je regarde les gouttes d'encre glisser sur la vitre de papier blanc, j'attends une éclaircie."

Christian Bobin, L'épuisement, Le temps qu'il fait, 1994, p. 15-16.

Mad #54 : Glisser sur la vitre de papier blanc

Tous les matins de cette semaine, mes cours commencent à huit heures. Pour un oiseau de nuit comme moi, incapable de s'endormir avant une heure du matin, c'était une perspective peu agréable. Le réveil bloqué à sept heures moins le quart, les premiers pas au radar, la crainte de la fatigue trop lourde qui vous réexpédie, à peine la sonnerie abolie, dans les marécages vertigineux du rêve.

Et pourtant, je dois maintenant avouer que je goûte plus que je ne redoute ces moments où le jour n'a pas encore gagné la partie. J'aime partir dans l'ombre des rues, circuler dans la constellation des phares, arriver dans l'espe encore pénombreuse, avec ses couloirs silencieux comme les galeries d'un monastère.

Oui, c'est un couvent laïc que j'arpente chaque jour, où le moine convers Didier retape les anciens appartements (il y a encore ça et là des vieux plafonds de torchis), où le moine convers Régis paillait cet après-midi les plates-bandes de la cour intérieure, c'est grâce à eux, entre autres, qui ne font guère de bruit, que nous pouvons nous consacrer à l'étude. Grâces leur soient rendues.

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