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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 23:19

versailles.jpg

 

Son horoscope était formel : rien de bon à attendre de cette journée, Saturne étendait son ombre funeste sur tous les projets qu'il fomenterait, chahuterait ses humeurs et s'il y avait une chiure de pigeon à attraper, il y avait tout à parier que c'était pour sa pomme. Il décida de renoncer à la sortie en forêt avec le club de marche nordique auquel il venait de cotiser l'hiver dernier et prit un rendez-vous pour vérifier la bonne tenue de son pacemaker (la rubrique santé, sans être alarmiste, restait dans un flou qu'il goûtait très moyennement). Evidemment, il n'y avait pas de place avant la semaine prochaine.

Une pluie fine cousait délicatement les fenêtres de son F2, et il s'avisa que c'était l'horoscope de tout le département qui devait être sous la coupe de Saturne. Les gens qui passaient dans la rue avaient la mine renfrognée, l'air mauvais et l'haleine putride (de son poste de vigie, il ne pouvait bien sûr s'en assurer, mais il s'en convainquait aisément). Le spectacle de ce monde lui faisait décidément horreur.

Il hésitait entre les Mots fléchés force 4 et le sudoku découpé dans un magazine qui traînait dans la salle d'attente de son dentiste. La vie d'un retraité est souvent faite de ces petits dilemmes énervants. Finalement, il trancha en se plongeant dans le magazine du Conseil général dont il tenait la lecture en réserve.

Vénus allait croiser son Jupiter natal dans trois jours. Il fallait tenir jusque-là.

Il se prenait à rêver à un nouveau decolleté affriolant de la boulangère.

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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 15:31

Alors que je viens juste d'achever Ciels d'orage, le livre d 'entretiens de Christophe Ono-dit-Biot avec Enki Bilal, j'apprends la mort, hier, de Moebius. Quand une telle nouvelle vous stupéfie, vous laisse sans voix, interdit quelques secondes, alors vous pouvez être sûr que cet être-là a compté pour vous, qu'il a eu une place importante dans votre existence bien qu'il ne fût jamais un proche.

Moebius, de son vrai nom Jean Giraud, nous l'avons connu tout d'abord comme Gir, le dessinateur de Blueberry. Bon dieu, que cette bande dessinée a pu me faire rêver. Ce cow-boy plus solitaire que Lucky Luke, à la gueule de Belmondo, j'en lisais les aventures avec passion dès 1967, dans l'Illustré du dimanche, un hebdomadaire éphémère, qui reprenait essentiellement des séries déjà publiées ailleurs. Parmi mes petits soldats de l'époque, je me souviens encore du cow-boy à chemise blanche, les bras en position de boxeur, que j'avais nommé Tom Mac Cloud. C'était mon favori, le héros des multiples fictions que j'inventais dans la cour de l'épicerie familiale, où quelques pierres saillantes devaient figurer les reliefs du désert. C'était Blueberry réinventé, et sa perte sur les bords de l'étang de la Loubière reste encore dans ma mémoire comme un chagrin tenace.

Moebius nous a accompagnés tout au long de notre jeunesse, je dis nous, car tous mes copains, les plus proches en tout cas, ont grandi avec la passion de la bande dessinée. Plus tard, après Blueberry, on a aimé le versant plus fantastique de l'oeuvre, ces pages parfois ésotériques mais qui brillaient d'un dessin éblouissant, virtuose.

Sa disparition est saluée comme il se doit par une kyrielle d'hommages. J'en extrais ici quelques éléments, histoire de se replonger dans l'univers de l'un des créateurs les plus importants de cet art, mineur à bien des égards, et majeur ça et là, par éclats, par explosions de grâce et d'intelligence.

 

Le dessin d'hommage de Boulet.

 

 

 

Grand entretien sur France-Culture.

 

 

 

  Emision du Tac au Tac du 21 octobre 1972.

 

 

 

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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 22:58

sucrier-pour-dedette-2012.png

 

“Le paradis est dispersé sur toute la terre, c'est pourquoi on ne le reconnaît plus. Il faut réunir ses traits épars.” Il songeait à cette citation de Novalis, mise en épitaphe du livre qu'il avait jeté avant de partir dans son sac à dos. Il y songeait en poussant la raclette sur le carrelage de la salle des fêtes, au lendemain de leur réunion annuelle. Si c'était vrai, reconnaîtrait-il après coup les petits bouts de paradis qui avaient dû scintiller dans la tonitruante nuit de leurs agapes ?

L'eau sale court jusqu'à la grille d'évacuation. Ils étaient à coup sûr dans la lumière des regards, la chaleur des voix, les visages penchés l'un vers l'autre ; ils étaient dans les rires, dans les chants et peut-être aussi dans les regrets de n'avoir pas eu le temps de dire un mot à chacun. C'était banal finalement, la même émotion depuis vingt ans, la même mélancolie des lendemains qui les étreint tous dans leur solitude retrouvée. Le paradis, ça ?

C'est une ancienne école, adossée à la mairie, du temps où ces villages regorgeaient de petits paysans. Certains ont même sûrement leurs noms sur le monument aux morts, édifié près de l'entrée de la cour. Il songe à ce curieux détail : sur l'une des faces de la stèle de granite bleu est inscrit le nom d'Emma Bujardet, morte de chagrin en 1917. Elle avait perdu ses trois fils.

Ils discutent le temps que ça sèche. L'an prochain, penser à apporter des barquettes pour le restant de bouffe.

Et si nous n'étions venus que pour ça : repartir avec sa petite provision de paradis, bien logée dans le coeur, sans même en avoir conscience. Une petite source radio-active, à désintégration lente, comme la trace pétrifiée de l'amour d'un mari et d'un père.

 

 

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 23:24

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/54/Clark_Gable_and_Claudette_Colbert_in_It_Happened_One_Night_film_trailer.jpg/320px-Clark_Gable_and_Claudette_Colbert_in_It_Happened_One_Night_film_trailer.jpg

 

Le triomphe de The Artist aux Oscars ne doit pas faire oublier que d'autres Français en d'autres temps avaient eu droit aux suprêmes honneurs ricains. Et quand je dis Français, je devrais plutôt dire Françaises, car après  Claudette Colbert, née Émilie Claudette Chauchoin, qui rafle la mise en 1934 avec son rôle dans New York-Miami de Frank Capra, c'est en 1960, année qui nous intéresse, que Simone Signoret, de son vrai nom Simone Kaminker,  reçoit l'Oscar pour son interprétation dans Les Chemins de la haute ville (Room at the top)

 

http://img.incine.fr/affiches_film/big/Les-chemins-de-la-haute-ville_23521_1319531386.jpg

 

1960, c'est aussi une année faste pour Annie Girardot, de son vrai nom Annie Girardot, avec Rocco et ses frères, de Visconti, qui la rend célèbre :

 

 

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 17:33

arrosoirs-cimetiere.jpg

 

Et quand t'es mort, t'es rayé des listes ?

Un peu, mon neveu, lui a répondu Girard, deuxième adjoint de la commune, et troisième ricard dans le cornet. Article R18 du code électoral : Lorsqu'un électeur est décédé, son nom est rayé de la liste électorale aussitôt que l'acte de décès a été dressé dans la commune ou communiqué au maire. Tout électeur de la commune a le droit d'exiger cette radiation. Enfin, bon, l'article c'est pas Girard qui l'a cité, il l'a trouvé plus tard sur Internet. Ce con-là avait eu raison.

N'empêche, il trouve ça pas normal.

Tu voudrais pas que ça se passe comme en Corse, où l'on fait voter les morts ?

Là, c'était Champion, même pas conseiller municipal, mais quatrième Avèze de la soirée.

Je te parle pas de la Corse, là c'était les vivants qui votaient à la place des morts. Non, moi ce que je veux, c'est le droit de vote aux clamsés.

Il en oubliait de redresser le pichet et son jaune était noyé.

Comment tu veux qu'ils votent, tes macchabs, ils sont morts !

C'est pas une raison d'abord pour les rayer. C'est la double peine : d'abord tu crèves, ensuite on te raye. Tu vois, Champion, j'ai comme une envie de me présenter.

Il observait un silence, et buvait même pas son verre. Ça finissait par inquiéter.

Te présenter à quoi ?

Comme président de la République, quoi. Comme candidat du Parti des Trépassés. Pour une pleine et entière reconnaissance de leurs droits.

Tu seras jamais élu.

Evidemment, tant qu'on refuse le droit de vote aux clabotés, je risque pas d'aller au second tour. Mais moi, monsieur, j'ai des millions et des millions de voix en puissance.

Blanchard est arrivé sur ces entrefaites et a tenu à mettre une tournée.

Je vais aller à la pêche aux cinq cents signatures, il a continué.

Les autres ont affranchi Blanchard.

T'en as sifflé combien ce tantôt pour dégoiser comme ça ? qu'il a ricané.

Il sont venus me voir, l'autre nuit. Je les ai bien reconnus, y avait Raoul, qui s'est pendu cet automne dans sa grange,  le petit Lucien, qu'est parti du ciboulot, et puis la Raymonde, qu'avait passé la centaine comme une fleur. Ils m'ont dit que je devais faire quelque chose. La révolte gronde dans les cimetières.

Et pourquoi toi, pignouf ? Ils étaient tous partis à se foutre de sa poire.

Ils m'ont dit que vous étiez trop cons, le neurone un peu trop attaqué par la picole. J'ai trouvé qu'ils y allaient fort, mais enfin, je fais que répéter.

Il y a eu comme un blanc. On n'entendait plus que Jean-Pierre Pernaud, qui n'en pouvait plus de la grève des éboueurs dans je sais plus quel coinstôt.

Mais non, je déconne, je vais voter Marine, comme vous autres.

Soudain, l'atmosphère s'est détendue. Tout le monde a rigolé. Le Joël a remis la sienne.

Il sait bien qu'il a été lâche sur le coup. Les autres ne manqueront pas de lui faire remarquer. Mais on ne change pas les mentalités si facilement, qu'il leur dira.

Retournez dans vos tombes, je me lance en campagne demain, qu'il leur dira pour les rassurer.

Il a déjà un slogan : la France morte.

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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 19:10

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L'oncle Daniel était un fou furieux du furet. Obsédé à tel point qu'il en avait perdu sa copine lorsqu'il avait ramené un soir de paye un sixième furet (putoisé noir allemand pour être précis) dans le petit F2 lyonnais qu'ils occupaient alors. Et dans le métro, trois ans plus tard, à la hauteur de la station Place Guichard, il cassa la figure à un buraliste en retraite qui se plaignait de l'odeur de Bob Morane, le furet albinos qui l'accompagnait dans tous ses déplacements et aimait à courir sur ses épaules. Ce qui lui valut six mois fermes, avec deux ans de mise à l'épreuve.

Et c'est ainsi qu'il échut à lui, Fabrice, le neveu, de prendre soin des apôtres (le nom que Tonton Daniel donnait aux douze mustélidés qu'il entretenait en son logis : une dépendance au fond du jardin d'un pavillon de Vénissieux, que lui avait concédée un autre dingue du Cercle des Amateurs Lyonnais du Furet). T'as bien le temps, vu que t'es chomedu, lui avait dit le tonton au parloir. Je t'ai mis du flouze dans la commode, t'as qu'à te servir, je t'ai mis aussi l'adresse d'un pote boucher sur Fourvière, il te mettra de la barbaque extra pour pas cher.

Fab pouvait rien refuser au tonton. Il l'avait à moitié élevé quand son père avait tourné maboul à cause du jaja. Lui, il buvait que de la flotte, la même que ses bestioles.

Quand même, quand il a débarqué dans la turne, il a crû crever. A cause de l'odeur d'abord. Douze apôtres, dont un tiers en rut, ça cause question glandes. Mais on s'y fait, on se fait à tout dans la vie. Et puis c'est vrai, c'est des animaux qui font vite dans l'affectif, c'est très joueur, on passe du bon temps.

Qu'est-ce que je t'avais dit, hein ? jubilait le tonton. Mais la fois suivante, Fab le trouva pas au parloir, il avait pris deux semaines de mitard pour avoir passé à tabac son compagnon de cellule qui s'était foutu de sa gueule (pourquoi que tu mets des photos de furet au mur ? tu ferais mieux de mettre des femmes à poil comme tout le monde, tu serais pas un peu pédé sur les bords...).

C'est le mitard qui a dû ronger ce qui restait de santé mentale au tonton, c'est du moins ce qu'il a pensé, Fab, car, à peine sorti du bloc, il a piqué une grosse crise à la cantine, il affirmait que les salauds voulaient lui faire bouffer du furet. On avait beau lui dire que c'était du steak hâché de boeuf comme d'hab, il en démordait pas, c'était du furet, on lui refilait du furet, juste pour le faire chier, lui, et que du furet, bordel, jamais il en mangerait, plutôt crever la dalle. En attendant il a crevé l'oeil d'un mâton avec sa fourchette, et il s'est pris deux ans de plus, et en centrale, s'il vous plaît, à quatre cents kilomètres de Lyon.

Avec sa mob, le Fab était bien marron pour aller le voir toutes les semaines au parloir.

Et plus de pèze dans la commode.

Les assedic allaient pas suffire pour sa pomme et les apôtres.

Surtout que Pôlemploi lui courait aux fesses en lui ayant proposé un emploi de merde sur Bron, que s'il acceptait pas, c'était radiation directe.

Il décida de se faire voleur.

Plus tard, il expliqua au procureur que c'était justice : le mot furet vient du latin furo, qui veut dire voleur. C'est tonton Daniel qui me l'a dit, il avait des lettres, tonton Daniel. Arrêtez immédiatement avec votre tonton Daniel ! avait répliqué sèchement le proc, un grand type dont le blair allongé faisait curieusement songer à celui de Bob Morane. Et qu'est-ce qui vous fait rire, maintenant ?

Impossible de lui dire que c'était son tarin de belette, il aurait pas apprécié l'humour.

Trente-trois vols à main armée en trois ans, vous êtes fier de vous ! Pour nourrir des furets. Vous croyez que la cour va avaler ça ? Et d'ailleurs, où sont-ils vos furets ?

Avec l'oseille, il avait payé le voyage aux antipodes au tonton fraîchement sorti du gnouf, une petite cabane au bord du Pacifique où tranquillement finir ses jours avec ses furets

Mais ça, il leur dirait jamais.

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12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 00:00

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Un matin, se réveillant, elle poussa un cri. L'effroi l'avait saisie tout entière. L'homme qui était dans son lit, à ses côtés, était un inconnu. Mais l'inconnu avait l'air tout aussi horrifié. Voyons, qu'est-ce qui te prend ? dit-il. Cette voix était familière. Tu as fait un cauchemar, continuait la voix, n'aie pas peur, ce n'est que moi. Il approcha sa main, comme pour la caresser, mais elle se recula en hurlant à nouveau. Enfin, Fabienne ! ressaisis-toi, nom de dieu ! dit l'inconnu. C'est moi, C. !

C. ? Oui, cette voix c'était bien celle de C., elle en convenait, oui, mais ces yeux, ces joues pâles, ce nez finement busqué, ce front haut, sévère, ne composaient pas le visage de C.,ou plutôt, c'était comme si le visage de C. n'était plus qu'un filigrane en transparence derrière un autre visage, parfaitement inconnu celui-ci.

Ce fut le premier matin, le premier d'une longue suite de matins perturbants, nauséeux, chargés d'angoisse. Chaque matin, C. montrait un nouveau visage, qu'il conservait intact tout au long du jour, puis la nuit l'engloutissait, et l'obscur lui retissait une nouvelle face à l'aube nouvelle. Fabienne choisit rapidement de dormir seule dans la chambre de l'étage, pour mieux absorber le choc du réveil. Elle ne savait jamais quelle figure elle allait découvrir au matin. Heureusement la voix restait à peu près inchangée, elle aimait l'entendre avant d'affronter l'inconnu.

Quand on a cent visages, on n'en a aucun. Personne qui vous reconnaisse. Ses amis le soupçonnèrent d'avoir sacrifié à la chirurgie esthétique. On cherchait le masque de latex caché sous ses traits, on croyait à la plaisanterie, puis on se lassa vite de ces perpétuelles transformations. Ou bien on avait peur, on ne savait plus à qui se fier, on l'évitait ; il s'en aperçut, évita lui aussi de croiser les anciennes connaissances, se retira progressivement dans l'anonymat le plus radical.

Fabienne, épuisée, le quitta au bout de six mois. Elle avait aimé un homme, avec un visage précis, un sourire, une ombre de barbe, et cet homme s'était évanoui, cet homme s'évanouissait chaque jour un peu plus. Elle continua de lui téléphoner de temps en temps, pour entendre sa voix, puis elle pleurait. Sa soeur le prévint un jour qu'elle n'appellerait plus jamais, il fallait qu'il comprenne. Je comprends, disait-il.

Il n'y avait pas que des inconvénients. Assuré qu'il était d'une impunité totale, il cassa joyeusement la gueule à plusieurs emmerdeurs qui lui pourrissaient la vie depuis belle lurette. Les signalements à la police restaient sans suite évidemment. Et s'il tombait dans un contrôle d'identité, il était serein : la photo d'identité changeait elle aussi chaque jour, reflétant son nouveau visage, par on ne sait quel mécanisme mystérieux. Il souriait en pensant que la carrière de tueur à gages lui tendait les bras.

Peut-être l'avez-vous rencontré, un soir à l'hôtel ? Cet homme qui dînait seul dans un coin du restaurant, que vous avez croisé ensuite dans le corridor de l'étage, entrant dans la chambre 33,  refermant vite la porte derrière lui. Dans la matinée, vous avez vu sortir un autre homme de cette même chambre 33, vous avez à peine relevé le détail, vous aviez d'autres chats à fouetter, chacun a ses soucis. C'était lui, il aurait aimé que vous le saluiez.

Non, ne vous excusez pas, vous ne pouviez pas savoir. Mais pensez-y à l'avenir, car il pourrait vous aussi vous casser la gueule.

 

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11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 16:11

Je tombe aujourd'hui sur un article du CNRS, daté du 8 février 2012, consacré à un mathématicien dit de génie que je ne connaissais absolument pas (mais il faut dire que, comme tout le monde, je connais plus de sportifs médiocres et de people abrutis que de mathématiciens de génie, ce qui en dit long sur le statut de la science dans notre société). L'animal rare se nomme Alexandre Grothendiek, il est français (mais apatride jusqu'en 1971, où il demandera sa naturalisation, une fois certain qu'il ne fera pas de service militaire). Sur ses travaux, je vous renvoie à l'article cité : la recension est impressionnante. L'homme, qui refuse tous les honneurs, âgé aujourd'hui de 83 ans, vit quasiment en ermite dans les contreforts des Pyrénées, en proie, semble-t-il, à une paranoïa aiguë.

 

Il est l'auteur d'une colossale autobiographie de presque un millier de pages, Récolte et semailles, qui n'a pas trouvé d'éditeur (on préfère se gaver des souvenirs de Poulidor ou de Candeloro, il est vrai que ça se vend mieux), texte qu'on peut en revanche trouver facilement sur le net.

 

Pourquoi parlé-je de ce lascar aujourd'hui, dans cette rubrique 1960 ? En fait, l'année n'a rien de particulier dans l'itinéraire du matheux fou, mais c'est le millésime de la parution des Eléments de géométrie algébrique, dont la page de titre est reproduite dans l'article.

 

http://images.math.cnrs.fr/IMG/gif/ega.gif

 

Voilà c'était aussi l'occasion  de parler  de l'un de ceux que l'on n'appelle plus des savants, mais qui méritent bien d'être honorés, si ce n'est par des honneurs officiels, par un peu de notre attention et de notre précieux temps.

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 19:13

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Ça s'est mal goupillé. C'était toujours comme ça qu'il expliquait ses derniers déboires. Une cascade de problèmes qui avait bêtement commencé par une chute de rollers, apparemment sans gravité, mais la douleur, petite au départ, avait rapidement empiré, et lui, dur au mal, avait quand même dû finir par aller aux urgences, radio, tout le toutim, tu vois mon gars je te l'avais bien dit, y'avait bien quelque chose de cassé dans l'épaule, résultat : trois semaines d'arrêt et rééducation à la suite. Son patron, avec qui c'était plutôt à couteaux tirés les derniers temps, l'avait très mal pris. Le lascar avait rongé son frein, mais quand lui, il était revenu, sur le chantier c'était vite devenu intenable. Toute la merdasse, c'était pour sa gueule, et l'épaule lui faisait toujours mal, il avait repris trop tôt évidemment, il a dit je fous le camp avant de lui faire sauter le dentier à coups de lattes. Démission, et puis juste après la copine qui se fait la malle, en emportant, la garce, la télé grand écran dont le crédit courait toujours.

Du coup, il n'avait pas pu garder le petit studio sympa qu'ils avaient pris à deux, et il s'était replié sur sa chambre de gosse, dans le petit pavillon de sa mère, dont il rompait ainsi la solitude, c'était bien le seul point positif de l'affaire. Ça s'est mal goupillé, il répétait, et il en profitait généralement pour taxer une clope au copain à qui il racontait tout ça.

 

Et puis ce matin, au réveil, il y eut ce silence inhabituel. Comme si le monde était passé en mode veille, en loucedé. Il ouvrit les volets et il fut ébloui : il neigeait, il neigeait, à terre couverte, à terre d'ombres blanches et bleues, le ciel versait sa manne d'une main invisible et généreuse, et la joie, recroquevillée dans les spires enrouillées de l'enfance, lui déboulait à nouveau dans les mirettes.

Où tu vas comme ça ? Prends le temps de déjeuner, au moins.

Mais il n'écoutait pas. Il avait chaussé ses vieilles randos dont la semelle gauche se décollait, alors la neige, légère et plumeuse, rentrait et s'amassait, et il fallait que de temps à autre il se débarrasse de ces mini-congères qui exhaussaient chacun de ses pas. Il descendit vers la ville, où les voitures roulaient au ralenti, où les ouvriers municipaux raclaient les chaussées avec leurs grandes pelles, où la neige était la grande empêcheuse.

Elle ne l'empêchait pas, lui. Elle lui donnait même ce qu'il ne parvenait plus à atteindre jusqu'ici : l'oubli des tracas, la rémission des inquiétudes. Du puits sans fond dans lequel il avait la sensation de s'enfoncer un peu plus chaque jour, il avait soudainement touché la margelle, il n'en entendait plus que la sourde rumeur noire de l'eau gargouillante.

Il acheta un pain aux raisins qu'il partagea avec les mésanges sur l'esplanade du château comtal.

Il tracerait bientôt un nouveau chemin dans la blancheur.

 

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 14:00

Le Nomade faisait partie des 300 qui ont manifesté dans la rue hier, et devant l'Inspection Académique.

Deux heures au moins de barouf ininterrompu...

Sur la vidéo, on verra la directrice de l'école maternelle de Tasonlande, pas contente Jocelyne, et elle a bien raison. Ecole toute neuve cette année, et fermeture annoncée d'un poste (1 élève en moins par rapport à l'an dernier).

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Vidéo NR

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