"Sauvage ? Hostile ? Interdite ? Que voilà bien des mots d'hommes, des jugements d'homme ! Hors de nous, immense et toute vivante, tissée de siècles, nourrie du vieil humus de ses milliards de feuilles tombées, toute fermée, toute serrée sur son soleil et sur son ombre, qu'eût-elle eu à faire, la forêt, de nos paroles et de nos regards d'homme ?"
Maurice Genevoix, La forêt perdue, Plon, 1967, p. 42
Soudain, après une matinée plus que maussade, le soleil qui revient, qui coule généreusement à travers les stores de la fenêtre du bureau.
Midi trente. Je sors de la vieille Ecole normale primaire (ces mots sont encore inscrits dans la pierre au fronton) par le côté sud, ouvert sur la ville, le petit stade et l'avenue de Tours. Prenant du recul, j'admire la symétrie académique du bâtiment, les deux cèdres gigantesques qui l'encadrent, aussi vieux
sans doute .Mais ce ne sont pas ces géants qui, au final, me retiennent longtemps, non, ce sont les feuilles des tilleuls, rongées par l'automne, dont la splendeur des nervures s'illumine par transparence. Chacune est une toile éphémère, un farouche affrontement de pigments, une carte où collisionnent en silence les amazonies et les hauts plateaux andins.