Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 janvier 2015 6 17 /01 /janvier /2015 01:42

"Regardez les gens courir affairés, dans les rues. Ils ne regardent ni à droite, ni à gauche, l'air préoccupé, les yeux fixés à terre, comme des chiens. Ils foncent tout droit, mais toujours sans regarder devant eux, car ils font le trajet, connu à l'avance, machinalement. Dans toutes les grandes villes du monde, c'est pareil. L'homme moderne, universel, c'est l'homme pressé, il est prisonnier de la nécessité, il ne comprend pas qu'une chose puisse ne pas être utile ; il ne comprend pas non plus que, dans le fond, c'est l'utile qui peut être un poids inutile, accablant. Si on ne comprend pas l'utilité de l'inutile, l'inutilité de l'utile, on ne comprend pas l'art ; et un pays où on ne comprend pas l'art est un pays d'esclaves ou de robots, un pays de gens malheureux, de gens qui ne rient pas, ni ne sourient, un pays sans esprit ; où il n'y a pas d'humour, où il n'y a pas le rire, il y a la colère et la haine."

Eugène Ionesco, cité par Nuccio Ordine, L'utilité de l'inutile, p. 71-72.

Vailly-sur-Sauldre (Cher)

Vailly-sur-Sauldre (Cher)

Au retour de Beaulieu-sur-Loire, une nouvelle fois en visite de classe, j'ai traversé la cité très tranquille de Vailly-sur-Sauldre, m'y ravitaillant en tartine au fromage et éclair au chocolat. C'était jour de marché, la place de l'église était cernée par des barrières métalliques. J'étais déjà passé par là à l'aller, de bon matin, il n'y avait pas un chat encore, et ma foi, à une heure de l'après-midi, il n'y avait pas plus de monde : les commerçants étaient plus nombreux que les chalands. La presse était fermée, Charlie ici aussi en rupture de stock (affiche sur la porte).

A cause de la place barrée, j'ai repris la route de Vierzon en empruntant des rues parallèles, et c'est ainsi que j'ai découvert la rue Inutile. Elle valait bien un petit arrêt photo.

Pourquoi rue Inutile ? Peut-être parce que personne n'habite la rue Inutile. A part les maisons qui font le coin, et donc possèdent une autre adresse, pas un bâtiment sur les cinquante mètres de chaussée en forte pente qui composent la rue. Mais je pense aussi maintenant que c'est peut-être la vocation particulière de cette petite ville que d'être inutile, et de s'en vanter. Le marché, par exemple, avait toute l'apparence de l'inutilité ; l'absence de clients s'explique dès lors fort logiquement.

Pourtant la rue Inutile m'a été bien utile, je la descendis et retrouvai l'itinéraire dicté par le GPS de la Clio. Enfin, pas tout de suite : je tournai à gauche au lieu de tourner à droite, et je dus faire un tour gratuit du pâté de maisons. Je redescendis donc une seconde fois la rue Inutile.

Partager cet article
Repost0

commentaires

D
Y a pas à tortiller, toujours à l'essentiel !
Répondre
L
(addendum)<br /> Le titre du bouquin d'Abdelmajid Benjelloun :<br /> &quot;Cette petite étoile frémissante du matin...&quot;
L
&quot;Le comble de l'inutilité, c'est l'utilité, et le comble de l'utilité, c'est l'inutilité.&quot;<br /> <br /> par Abdelmajid Benjelloun - Le chasseur abstrait éditeur.
G
Je ne résiste pas au plaisir de faire un commentaire inutile.
Répondre
N
Moi aussi.
L
L'humanisme n'est-il pas en soi l'acceptation et la défense de l'inutile ? Toute société s'apprécie sur cette question. L'économisme prôné aujourd'hui par le &quot;libéralisme&quot; répond clairement : l'inutile, s'il ne rapporte pas, est rejeté...
Répondre
D
Le jeu du libéralisme n'est il pas de rendre indispensable, et donc de vendre tout un tas de choses inutiles ? C'est plus l'inutile gratuit qu'il faut défendre.