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19 avril 2021 1 19 /04 /avril /2021 14:39

Extrait d'un entretien du cinéaste Arnaud Desplechin avec Sylvain Bourmeau, dans la revue en ligne AOC (réservé aux abonnés).  Desplechin est né le 31 octobre 1960 à Roubaix.

"J’aime énormément Le Rouge et Noir… mais je n’ai plus l’âge pour sélectionner ce livre. Je vais donc vous asséner une lecture brève de la Vie de Henry Brulard, dans une édition magnifique, la bonne édition qui comprend tous ses repentirs, le roman étant resté inachevé. De lire Stendhal se relisant… cela me rendait fou de joie. Contrairement à Flaubert, il s’irritait de compter 12 pieds dans une phrase ! Il notait un point d’exclamation au crayon dans la marge, comme s’il se disait « Oh la honte ! »… Il se corrigeait en rajoutant un « donc » ou un « et » ou il coupe pour arriver à onze parce que, sérieusement, on n’écrit pas en alexandrins ! Ce refus de la pompe chez Stendhal en fait l’un des écrivains de langue française que j’admire le plus. Pas le plus, c’est pas vrai mais je ressens de la fraternité envers lui, comme avec « L’homme aux rats». Et je suis en train de lire sa correspondance qu’un ami m’a offert dans une très belle édition, et je sais comment il pense… Il a d’autre part écrit ce tout petit essai, Racine et Shakespeare. Je n’ai pas fait d’études, je voyais le théâtre comme appartenant à la bourgeoisie et je n’ai jamais rien compris à Racine… contrairement à Shakespeare. Et Stendhal il était comme ça. J’ai vraiment infiniment aimé cet homme. Je me suis d’ailleurs rendu compte avec stupeur, pendant le confinement, que j’ai eu 60 ans et que j’avais désormais dépassé l’âge de Stendhal à sa mort. J’ai éprouvé à cette pensée un sentiment très étrange, inconfortable, qui m’a rappelé le tout début de cette œuvre et son appareillage de notes."

 

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