Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 12:00

Salauds de boches !

Fernand Gravelin tapa du poing sur la table, et peu s'en fallut que son verre de Byrrh ne se renversât sur le journal.

Ils l'ont jeté à la baille, les cochons ! Les criminels !

Dans le nuit du 29 au 30 septembre, l'ingénieur franco-allemand Rudolf Diesel, l'inventeur du fameux moteur Diesel, ayant embarqué à Anvers sur le paquebot Dresden, à destination de Londres où il devait tenir une réunion « Diesel Manufacturing Ltd », avait disparu dans des circonstances que tous les journaux s'accordaient à juger "mystérieuses" : après avoir dîné avec ses collaborateurs, il s'était en effet retiré dans sa cabine vers 22 h, laissant pour consigne d'être réveillé le lendemain à h 15. Le lendemain, il était resté introuvable. Dans sa cabine, le lit n'avait même pas été défait.

Edmond le commis boucher objecta timidement qu'il s'agissait peut-être d'un suicide.

Oui, mon con, répliqua Fernand, tu crois que les Teutons avaient envie de voir le Diesel  travailler avec les Rosbifs, déposer ses brevets à l'Amirauté ? Ils l'ont balancé par-dessus bord, et puis c'est tout !

Paraît qu'il avait des gros problèmes d'argent, hasarda encore le freluquet d'une voix mal assurée.

Non mais t'as du mou de chat à la place du cerveau, toi mon pote, qu'est-ce que tu vas m'annoncer encore ? que sa femme le faisait cocu avec le charcutier ? qu'il a voulu prendre un petit bain de minuit dans la mer du Nord ? Qu'est-ce que vous en pensez, vous, le Monsieur de la Préfecture ?

Il se tournait vers le petit bonhomme à chapeau melon qui faisait des réussites  dans un coin de la brasserie, juste à côté de la porte des pissotières. Nul ne connaissait son nom, et jamais il n'avait laissé filtrer le moindre renseignement sur son identité. Tout ce qu'on savait sur lui, c'est qu'il travaillait à la Préfecture. Un emploi subalterne sans doute, car il ne payait pas de mine, mais qui sait, c'était peut-être une feinte.

Je pense moi aussi qu'il a croisé la route d'un assassin.

Un agent secret, c'est ça, jubila Fernand, un tueur à gages (et il lampa son Byrrh, s'étonnant que le verre fût déjà si peu rempli).

Pas sûr, reprit le petit bonhomme en retournant un as de pique, peut-être simplement un assassin pour le plaisir, un pur amateur...

Un ange passa, le temps qu'un obscur signal de détresse cérébrale ne dicte à Fernand un geste vertical du pouce en direction de son verre vide et à destination du loufiat qui passait par là à cet instant.

Ces sales mangeurs de choucroute, de toute façon, je suis sûr qu'ils tuent aussi pour le plaisir...

Les fumiers.

Partager cet article
Repost0

commentaires